Il est venu le temps des cathédraaaaales !

Si vous nous suivez régulièrement, il ne vous aura pas échappé que la cathédrale de Lisieux est actuellement en cours de restauration de ses charpentes et couvertures. Studio Sherlock réalise en effet une série de 3 vidéos pour valoriser les travaux. La première, qui présente l’objet des travaux a été présentée au mois d’avril lors de la signature de la souscription entre les amis de la cathédrale de Lisieux, la ville de Lisieux et la fondation du patrimoine, en vue de récolter des fonds pour la suite des travaux.

Découvrez le projet de restauration !


Pas peu fières de réaliser une série de vidéos sur un tel sujet, nous en parlons régulièrement. Et nous avons noté que lorsque nous évoquons la cathédrale de Lisieux, 82,7 % de nos interlocuteurs (oui, nous sommes précises) pensent que nous parlons de… la basilique !
La basilique de Lisieux est en effet le premier bâtiment que l’on aperçoit en arrivant dans la ville, en voiture ou en train. Perché sur sa colline, elle accueille les pèlerins qui viennent se recueillir auprès de Sainte-Thérèse. La basilique ne manque certes pas de panache, et nous y reviendrons dans un futur article, mais et la cathédrale dans tout ça ?


Basilique de Lisieux
Basilique de Lisieux
Cathédrale
Cathédrale de Lisieux

Située en plein centre ville, il est pourtant difficile de passer à côté de la cathédrale de Lisieux sans la remarquer. Ses dimensions en font en effet un bâtiment plutôt imposant.

Un bâtiment imposant

110
mètres de long
20
mètres de hauteur sous voûtes
72
mètres de hauteur totale

Maintenant que nous sommes tous d’accords, je suis au regret de vous annoncer que la cathédrale de Lisieux… n’en est en fait plus une. Il s’agit en effet depuis la révolution d’une simple église paroissiale.
Si comme nous, vous êtes surpris de voir qu’une cathédrale peut finalement ne plus en être une, je vous encourage à lire la suite de l’article. On va tout vous expliquer, et on va aussi faire des blagues. Et si vous n’êtes pas surpris, je vous encourage à lire quand même, au moins pour les blagues.

Lisieux a perdu au jeu des chaises musicales

Si l’on continue d’appeler l’église de Lisieux, Cathédrale de Lisieux, c’est par habitude (une habitude qui a tout de même la peau dure puisque cela fait environ trois siècles qu’elle perdure !), et peut-être aussi par fierté.
Donc, si on veut être précis, l’église Saint-Pierre de Lisieux a en effet été construite pour être une cathédrale, et l’a été du 12e siècle à la révolution.

Mais que s’est-il passé ?! Pour bien saisir, il faut revenir à l’étymologie du terme « cathédrale ». Mais, oui, au fait, c’est quoi, une cathédrale ??

La cathédrale est l’église où se trouve le siège de l’autorité épiscopale, à savoir, l’autorité de l’évêque. Ce dernier dirige un diocèse, généralement depuis l’église la plus importante de celui-ci. Et il le dirige assis sur son siège, le cathèdre.

En 1801, le diocèse de Lisieux est supprimé et intégré au diocèse de Bayeux. Le titre d’évêque de Lisieux disparait alors, et avec lui, le titre de cathédrale de Lisieux. En 1855, le pape Pie IX, probablement rongé par le remord, rétabli le titre d’évêque de Lisieux, qui est automatiquement conféré à tous les évêques de Bayeux, et le diocèse devient le diocèse de Bayeux et Lisieux. Pour autant, le siège de l’évêque demeure à Bayeux et Saint-Pierre de Lisieux demeure une église paroissiale.


Cathèdre
Cathèdre – Dessin Eugène Viollet-le-Duc

L’évêque de Lisieux a déplacé sa chaise et est allé s’assoir à Bayeux.

— Inconnu —

Des cathédrales, en veux-tu, en voilà !

Une cathédrale est donc le siège de l’évêque, qui est généralement l’église la plus importante du diocèse. Méfiance, néanmoins, toutes les églises qui ressemblent (par la taille, par la décoration…) à des cathédrales, n’en sont pas ! Basiliques, abbatiales, chapelles… Il existe beaucoup de pièges. Comme disait Prosper Mérimée, « Souviens-toi de te méfier ».

Il existe tout de même 154 cathédrales en France (sans compter Lisieux, vous l’aurez compris), et pas moins de 40 000 églises paroissiales. De quoi faire un peu de tourisme !

Certaines de ces cathédrales sont mondialement connues, comme par exemple la cathédrale de Chartres, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO (rien que ça).

La cathédrale de Chartres est le monument par excellence de l’art gothique français.

— Liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO —

Également inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, la cathédrale d’Amiens est tellement vaste (environ 200 000 m3) qu’on peut y faire entrer Notre-Dame de Paris !! Je répète, on peut y faire entrer Notre-Dame de Paris. Incroyable, non ?


Cathédrale de Chartres
Cathédrale de Chartres
Cathédrale d'Amiens
Cathédrale d’Amiens (Photo : Guillaume Piolle)

Le gothique, ce n’est pas qu’un style vestimentaire !

N’en déplaise à certain(e)s, le gothique est aussi le style architectural prédominant dans la construction des cathédrales.

Mercredi Addams


Le gothique est apparu au moyen âge, alors que le style roman prédominait. Pour reconnaître une église romane, voici quelques indices (n’est pas Sherlock qui veut) :

  • des murs épais presque sans ouvertures
  • des voûtes en berceau
  • des chapiteaux représentant un bestiaire

Si vous êtes dans une église et que vous avez identifié ces éléments, il y a de fortes chances que vous soyez dans une église romane. Vous n’y voyez rien ? C’est normal, le faible nombre d’ouvertures en fait des bâtiments à l’ambiance tamisée.


Crédits photographiques : Région Poitou-Charentes, inventaire du patrimoine culturel / R. Jean, 2009, Louis Geneste

Les voûtes en berceau exposent les murs à de très lourdes charges et il est nécessaire de les soutenir par des murs épais et massifs. C’est aussi pour cela que les églises romanes ne sont globalement par très hautes. Le roman est moins célébré que le gothique, probablement parce que plus austère. Pour autant, il a vu la construction d’édifices exceptionnels, tant par leur architecture globale que par le détail de leurs décors. Parmi tant d’autres édifices, on peut citer l’abbatiale Saint-Austremoine d’Issoire (Auvergne), l’abbatiale de Conques (Aveyron) ou encore l’Abbaye de Cluny (Saône-et-Loire). Cette liste est totalement subjective, évidemment.



Voûte romane et voûte gothique
Extrait d’un manuel scolaire

Tout de même, las de ne rien y voir, vers 1130, l’abbé Suger, dont personne n’a jamais su comment prononcer le nom, souhaita que son église soit plus lumineuse.
Une nouvelle technique a alors été utilisée pour la reconstruction du chevet de son église : la voûte d’arête à croisée d’ogives.
Cette technique permet de répartir le poids de la structure équitablement à des points précis : sur les piliers et les murs. Pour renforcer encore plus la structure, un « squelette » extérieur est ajouté pour maintenir les murs et répartir les poussées sur plusieurs points. C’est ce que l’on appelle les arcs-boutants. La présence de ces derniers permet l’ouverture de nombreuses fenêtres.


Ces innovations techniques garantissent une meilleure stabilité des ouvrages et au fil de l’évolution du style gothique, elles ont permis de faire des cathédrales toujours plus hautes, toujours plus grandes et toujours plus lumineuses avec de nombreuses fenêtres et vitraux.
Le résultat est que le bâtiment est tellement plus ouvert qu’il en est parfois réduit à sa seule structure porteuse comme l’illustre la Sainte-Chapelle à Paris.
C’est ainsi que les décorations deviennent de plus en plus présentes et exubérantes : gargouilles, sculptures religieuses, portails sculptés, flèche, tout y passe !

Voûte
Voûte à croisée d’ogives de la cathédrale de Reims
Intérieur de la Sainte-Chapelle de Paris / Arcs boutants

L’introduction de l’architecture gothique a donc été une véritable révolution pour la construction des cathédrales et a donné naissance à de véritables chefs d’œuvre. Pourtant, le terme « gothique » a été utilisé pour la première fois au 16e siècle pour désigner de manière péjorative l’art au moyen-âge : il était alors synonyme de « barbare ». En effet, lors de la renaissance, ce sont les arts grecs et romains de l’antiquité qui sont à l’honneur. Ce n’est qu’au 19e siècle que le mot perd son caractère péjoratif et où l’art gothique est reconnu à sa juste valeur, c’est à dire comme un art à part entière.

Il est ironique de noter que le première édifice gothique soit… une basilique : il s’agit en effet de la basilique de Saint-Denis.

— Inconnu —
Basilique Saint-Denis
Basilique Saint-Denis, crédit photographique : Alain Pinoges

Gothique, sauce flamboyante

Avec l’arrivée de ces nouvelles techniques, les bâtisseurs ont laissé libre court à leur créativité, et l’architecture gothique a progressivement évoluée, grosso-modo siècle par siècle :

  • 12e siècle : Premier âge gothique
  • 13e siècle : Gothique classique
  • 14e siècle : Gothique rayonnant
  • 15e siècle : Gothique flamboyant
  • 16e siècle : Gothique tardif

Le premier âge gothique est encore fortement attaché aux modèles architecturaux romans, mais il voit l’apparition de la voûte d’ogives. Le gothique classique systématise le recours aux arcs boutants. Les cathédrales deviennent plus élancées et plus lumineuses. Ce sont les rayons des rosaces qui donnent leur nom au gothique rayonnant. Les techniques des voûtes d’ogives et des arcs boutants sont maîtrisées et l’accent est mis sur l’ornementation sculptée, riche et fine. Plus on avance dans le temps, et plus le décors devient chargé. Les rayons des rosaces s’arrondissent et prennent la forme de flammes, ce qui donnera son nom au gothique flamboyant. Enfin, le gothique tardif pousse à l’extrême la décoration des voûtes en ajoutant des nervures décoratives. C’est également l’époque des clés pendantes.


Cathédrale de Senlis (crédit photographique : oisetourisme.com) / Cathédrale de Beauvet (crédit photographique : Philippe Gavet) / Cathédrale d’Albi (crédit photographique : mairie-albi.fr)

À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire !

Tant de prestige, de grandeur et de beauté nous laissent sans voix, mais une question nous taraude. Cette évolution des techniques constructives s’est-elle faite sans heurts ? Évidemment non ! Et nous allons aller faire un tour à Beauvais pour en savoir plus.
Mondialement connue pour son bucolique aéroport, Beauvais abrite également une cathédrale des plus étranges.

Dans leur course à l’élévation et à l’ouverture des édifices, les constructeurs du Moyen-Âge poussèrent les techniques de l’époque à leurs limites. Et c’est la cathédrale de Beauvais qui en fit les frais ! La hauteur des voûtes du chœur est de 48 mètres environ, soit quelques mètres de plus que la cathédrale d’Amiens. Oui, mais… la cathédrale de Beauvais est inachevée. La nef n’en a jamais été construite. C’est pour cette raison que la cathédrale de Beauvais est quasiment systématiquement photographiée de dos ou de profil ! Comme vous pouvez le voir en comparant les plans des cathédrales d’Amiens et de Beauvais, il manque un bout à la cathédrale de Beauvais !

Amiens
Plan de la cathédrale d’Amiens
Beauvais
Plan de la cathédrale de Beauvais

Il faut dire, en 1284 une tempête exceptionnelle s’est abattue sur la ville et la force des vents a provoqué l’écroulement d’une partie de la voûte du chœur !!

Et là, c’est le drame !

— Jules-Édouard Moustic, Présipauté du Groland —

Des tirants métalliques ont été mis en œuvre au niveau des arcs boutants pour stabiliser la structure, sans que l’on sache précisément les dater. Ces tirants furent retirés dans les années 1960, jugés inesthétiques et inutiles. C’est alors que les oscillations de l’édifice dues au vents s’amplifièrent et que le chœur et le transept commencèrent à se dissocier partiellement. Résultats, les tirants furent remis en place. Le fer fut remplacé par l’acier, plus résistant à la corrosion, mais aussi plus rigide, créant un nouvel équilibre structurel, qu’on espère durable !!



Cathédrale de Beauvais

Cathédrale de Beauvais

Dis-moi quelle est ta pierre, je te dirais d’où tu viens

Les cathédrales gothiques ont certes des trais communs (comme on l’a vu, des voûtes en ogives, des arcs boutants, des rosaces…). Néanmoins, des particularités régionales très fortes caractérisent certaines cathédrales ! Petit tour de France des cathédrales exotiques !


La bi-goût

Cathédrale de Strasbourg

Bienvenue au pays de cigognes. La cathédrale de Strasbourg est la deuxième plus visitée de France après Notre-Dame de Paris. Nous l’aimons principalement pour sa couleur si particulière (une alternance de roses, bruns, beiges, jaunes) est liée à l’utilisation de grès des Vosges pour sa construction. La hauteur de la cathédrale de Strasbourg est d’environ 142 mètres. Si vous empilez deux cathédrales de Strasbourg, vous obtenez, à peu de chose près la hauteur de la Tour Eiffel.
Elle possède des décors très riches et une magnifique rosace. Son parvis étant très étroit, il est assez compliqué de la prendre en photo de face.




Solide comme un roc

Cathédrale de Saint-Brieuc

La cathédrale Saint-Étienne de Saint-Brieuc est peut-être un peu moins extravagante que certaines, et c’est probablement ce qui fait tout son charme. La Bretagne compte 9 cathédrales, et Saint-Brieuc pourrait aussi être comptabilisée dans la catégorie « forteresse », des meurtrières étant percées dans ses tours !!
Pierre locale oblige, elle est construite en granit, ce qui contribue à son aspect massif.

Cathédrale de Saint-Brieuc
Saint-Brieuc la vaillante


La plus gothique de toutes les cathédrales gothiques

Cathédrale de Clermont-Ferrand

Toute de noire vêtue, la cathédrale de Clermont-Ferrand doit sa couleur à la pierre locale qui a été utilisée pour sa construction : la pierre de Volvic. Pierre d’origine volcanique, la pierre de Volvic est très sombre et confère à la cathédrale de Clermont-Ferrand sa singularité et sa popularité. Et non, elle n’a pas besoin d’être nettoyée !! (enfin peut-être un peu)



Cathédrale de Clermont-Ferrand

Clermont-Ferrand la sombre


Propre et bien briquée

Cathédrale d'Albi

Si vous aimez les Légo, vous êtes au bon endroit. La cathédrale Sainte-Cécile d’Albi est en effet construite en briques. Le nombre de briques qu’il aura fallu utiliser pour la construire reste sujet à débats. Les chiffres évoqués sont faramineux (certains disent plusieurs millions) et laissent songeurs. Si le nombre exact de briques reste sujet à débats, tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit de la plus grande cathédrale en briques du monde ! Elle possède de plus une magnifique fresque datant de la Renaissance.



Cathédrale d’Albi / Intérieur de la cathédrale d’Albi (crédit photographique : Pierre Selim)

Le sujet des cathédrales étant à peu près inépuisables, nous avons arbitrairement décidé de nous arrêter là. Mais nous avons encore quelques thèmes en stock et avons hâte de vous parler des gargouilles et des charpentes. En attendant, nous vous laissons parcourir la France et visiter les 154 cathédrales ! Et vous, laquelle préférez-vous ?

Posted on 13 septembre 2018 in Patrimoine architectural

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